Savez-vous déjouer les pièges de la procédure disciplinaire en 2020 ?

I. L’employeur doit sanctionner les faits reprochés au salarié dans le délais de 2 mois à compter du jour où il en a eu connaissance

Cette règle d’apparence simple donne régulièrement lieu à de nombreuses décisions quant à son application.

– Premier arrêt : Un VRP se voit reprocher la représentation d’une marque concurrente sans autorisation et en violation de son contrat de travail.

L’employeur en avait connaissance dès le mois de juin 2011 et convoque le salarié à un entretien préalable bien après l’écoulement du délai de 2 mois.

Condamné en appel, l’employeur conteste l’application d’une prescription de 2 mois à compter de juin 2011 en évoquant des faits qui se seraient poursuivis de manière continue.

Mais il ne suffit pas que les faits reprochés continuent à se poursuivre au-delà du délai de 2 mois pour échapper au délai de prescription de 2 mois en évoquant le caractère continu du comportement fautif du salarié.

Encore faut-il que de nouveaux faits fautifs soient constatés au-delà du délai de 2 mois.

Ici, la représentation de la marque concurrente dont l’employeur avait connaissance en juin 2011 avait persisté de la même manière sans qu’il y ait de nouveaux faits fautifs à reprocher au salarié.

L’employeur aurait donc dû engager la procédure disciplinaire avant l’expiration du délai de prescription de 2 mois :

« Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites » Cass. Soc. 10 avril 2019 n°17-24093.

– Second arrêt : Les juges recherchent la date précise à laquelle l’employeur a eu connaissance des faits reprochés (13 février 2019 n°17-21514) :

Un directeur fiscal conteste son licenciement pour faute grave invoquant la prescription des faits fautifs, obtient gain de cause en appel et l’employeur forme un pourvoi en cassation en considérant que ce n’est qu’à l’issue de la remise du rapport du Comité d’éthique, conformément au code de déontologie du groupe, que l’employeur se disait éclairé suffisamment pour engager la procédure de licenciement le lendemain de ce rapport.

La Cour de Cassation confirme « que l’employeur disposait dès le 8 juillet 2013… d’une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés à cette date, la Cour d’appel en a exactement déduit que les faits invoqués au soutien du licenciement étaient prescrits lors de l’engagement de la procédure disciplinaire le 20 septembre 2013 ».

II. Le report de l’entretien préalable peut rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse

Cette question fait l’objet d’un important contentieux que les décisions les plus récentes viennent clarifier.

L’Article L1332-2 du Code du travail oblige l’employeur à convoquer le salarié à un entretien préalable lorsqu’il envisage de prendre une sanction à son encontre.

La sanction de l’employeur doit néanmoins intervenir après un délai de 2 jours ouvrables mais pas plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien.

Le non-respect de cette règle est radical puisqu’il rend le licenciement sans cause réelle ni sérieuse peu important les griefs reprochés au salarié.

C’est à l’occasion des demandes de report d’entretien préalable que ce soit à l’initiative de l’employeur ou à la demande du salarié que le contentieux s’est développé :

1er arrêt : (Cass. Soc. 17 avril 2019 n°17-31228) :

On retiendra de cette décision que le délai d’un mois à l’intérieur duquel l’employeur doit notifier sa décision au salarié ne peut être modifié qu’à la condition que le report de l’entretien préalable soit demandé par le salarié ou que celui-ci soit dans l’impossibilité de se présenter à l’entretien préalable, tel que son hospitalisation urgente.

– Second arrêt : 27 novembre 2019 n°18-15195 :

Le report de l’entretien préalable ne peut prolonger le délai de prescription d’un mois que s’il est sollicité par le salarié ou que celui-ci est dans l’impossibilité de se présenter à cet entretien.

 

III. L’importante distinction à connaître entre la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire.

La mise à pied conservatoire permet à l’employeur de suspendre à titre temporaire le contrat de travail du salarié et sa rémunération lorsqu’il estime que celui-ci a un comportement fautif exigeant son retrait de ses fonctions jusqu’à l’aboutissement de la procédure disciplinaire (article L1332-3 du Code du travail).

Cette procédure exige non seulement de l’employeur qu’il engage une procédure disciplinaire avec convocation du salarié à un entretien préalable mais également qu’il agisse vite et aboutisse à un licenciement pour faute grave ou lourde.

A défaut, la mise à pied n’est plus conservatoire mais devient disciplinaire, c’est-à-dire qu’elle correspond à une sanction ne permettant plus à l’employeur de sanctionner de nouveau le salarié pour ces mêmes faits, c’est la règle « non bis in idem ».

L’exigence des conditions requises entraine un contentieux récurrent.

1er arrêt : 27 novembre 2019 (n°18-15303) :

On retiendra qu’un délai de 4 jours est excessif pour justifier du caractère conservatoire de la mise à pied notifiée au salarié.

A défaut d’une convocation à un entretien préalable entre 1 à 3 jours à compter de la mise à pied, vous pouvez solliciter à l’appui de cette jurisprudence l’absence de cause réelle et sérieuse de votre licenciement.

L’autre subtilité de cette procédure de mise à pied est que tous les faits évoqués par l’employeur justifiant cette mesure de mise à pied disciplinaire bénéficient de la règle « non bis in idem » même si l’employeur ne retient qu’un seul des faits évoqués parmi tous les griefs reprochés.

 

IV. Comment contester dans les délais son solde de tout compte

Le solde de tout compte est établi par l’employeur lors de la rupture du contrat de travail du salarié [Article L.1234-20 du Code du travail], la loi précisant que ce reçu peut être dénoncé par le salarié dans les 6 mois qui suivent sa signature.

Passé ce délai, le salarié ne pourra donc plus contester ce solde de tout compte pour quelque raison que ce soit, c’est ce que la loi appelle l’effet libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

– 1er arrêt : la saisine du conseil de prud’hommes suffit à caractériser la dénonciation du solde tout compte décision du 27 mars 2019 n°18-12461.

La loi ne listant pas les conditions de « cette dénonciation du solde de tout compte », les Juges l’ont précisé peu à peu :

Outre la lettre recommandée avec avis de réception, cette dénonciation peut être faite par saisine du Conseil de Prud’hommes.

– Seconde décision : Le contentieux sur la signature du solde de tout compte par le salarié : 27 mars 2019 n°18-12792.

Selon l’article L1234-20 du Code du travail le solde de tout compte doit être signé par le salarié pour être libératoire, c’est à dire que le salarié ne peut plus contester les sommes qui y sont mentionnées.

Cet arrêt réaffirme que la charge de la preuve du paiement des sommes mentionnées sur le solde de tout compte incombe à l’employeur.

– 3ème arrêt : l’arrêt du 20 février 2019 [N°17-27600.] concerne un solde de tout compte signé par le salarié mais sans mention d’une date écrite de sa main.

Retenez que si vous signez le solde de tout compte, peu importe que la date mentionnée sur celui-ci ne soit pas écrite de votre main du moment qu’elle est certaine :

Vous connaissez maintenant les dernières jurisprudences applicables en matière de prescription des faits fautifs et de la sanction des faits fautifs, ainsi que les conditions vous permettant de contester votre solde de tout compte en 2020.

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