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La prise d’acte du salarié en 2019 : l’essentiel à savoir

En marge des 3 ruptures prévues par le Code du travail : la démission, la rupture conventionnelle et le licenciement, la prise d’acte est une rupture du contrat de travail immédiate et imposée par le salarié à son employeur crée par les Juges.

Cette décision unilatérale du salarié entraine des conséquences drastiques : absence d’indemnités chômages durant 121 jours sauf révision de sa situation par la Commission Paritaire Régionale de Pôle Emploi,risque d’avoir à indemniser son employeur de tout préavis non effectué, nécessité d’engager une procédure judiciaire pour faire produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse.

En 2019, le contentieux sur la prise d’acte se cristallise sur les modifications des fonctions et de la rémunération du salarié sans son accord. La prise d’acte sera justifiée si :

 

1. La modification des fonctions du salarié entraine une diminution de ses responsabilités (Cass. Soc. 9 janvier 2019 n°17-24455).
Un Chargé de missions contestant le retrait d’une de ses responsabilités ainsi qu’un coefficient erroné figurant sur son contrat de travail voit sa prise d’acte requalifiée en démission car « La mention du coefficient 180 figurant sur le contrat de travail du salarié, qui percevait la rémunération contractuellement prévue, procédait d’une erreur matérielle de l’employeur, d’autre part que la modification des fonctions du salarié dans le cadre d’une réorganisation n’avait pas entraîné de diminution de ses responsabilités… ».

La salarié est donc sanctionné car il ne prouvait pas une modification de ses fonctions avec une diminution de ses responsabilités.

Le salarié veillera au moment de sa prise d’acte de s’entourer de toutes les pièces justificatives de la diminution de ses responsabilités (courriels, courriers, notes, copies des tâches accomplies avant et après modification de ses fonctions,…).

 

2. Le salarié prouve que ses attributions ont été modifiées sur une longue période (Cass. Soc. 6 mars 2019 n°17-18260).
Un Ingénieur Etude et Développement Expert E-Learning élu Délégué du personnel contestait une modification de ses responsabilités et fonctions dans son activité d’Etude et Développement, l’employeur répondait que ce changement d’attribution était temporaire et en lien avec des difficultés conjoncturelles.

La cour de cassation confirme l’arrêt d’appel qui avait « constaté que le salarié n’avait jamais cessé d’exercé une activité de recherche développement, que ses responsabilités n’avaient pas été réduites et que la modification de ses attributions avait un caractère temporaire », ce qui  confirmait « l’absence de manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail« .

Sur le même sujet, cette fois le salarié a obtenu gain de cause (Chambre sociale du 20 septembre 2018 n°16-26152) car il justifiait d’un changement de ses conditions de travail, non sur une courte période de 20 jours comme l’indiquait l’employeur, mais à plus long terme avec des restrictions de ses attributions marquées :
« A compter du 1er janvier 2009, le salarié avait exercé les fonctions d’Administrateur… lors de son retour après sa mise en pied de nouvelles missions lui avaient été attribuées consistant principalement en la réalisation de notes sur la législation en matière de durée de travail et réalisation d’un cahier des charge pour la modification du système de paie, que son accès à… lui avait été retiré, ce dont elle aurait dû déduire l’existence de manquements suffisamment graves ».

Les juges font preuve d’une appréciation pragmatique et nuancée des restrictions apportées aux responsabilités du salarié sur une période estimée suffisamment longue(dans l’arrêt précité plus de 20 jours) et suffisamment étendues pour justifier d’un un manquement grave empêchant la poursuite du contrat de travail.

 

3. Le salarié a donné son accord express à la modification de sa rémunération (Cass. Soc. 6 février 2019 n°17-28744).
Un attaché commercial avait pris acte de la rupture de son contrat de travail à défaut de règlement de sa prime d’objectifs, l’employeur invoquant son accord implicite car il n’avait pas contesté durant toute son embauche les commissions perçues, et un collègue de travail avait dans un courrier mentionné son accord sur cette nouvelle commission.

Toutes ces preuves indirectes n’ont pas convaincu les juges qui exigent de longue date un accord exprès du salarié pour toute modification de sa rémunération : « Qu’en statuant ainsi, sans caractériser l’accord exprès du salarié à cette modification de sa rémunération, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (il s’agissait de la loyauté contractuelle inhérente à tout rapport entre contractant).

En conclusion, si cette rupture atypique du contrat de travail nécessite l’avis d’un avocat de préférence spécialisé en droit du travail, elle est souvent un rempart essentiel pour le salarié confronté à une situation parfois toxique (harcèlement moral, discrimination, atteinte à la santé physique et morale du salarié etc.), profondément injuste ( heures supplémentaires, primes impayées etc.) à laquelle il doit mettre un terme.

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