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Un point sur une indemnité méconnue : l’indemnité pour travail dissimulé

Vous effectuez des heures supplémentaires qui ne sont pas réglées, sachez qu’en plus de votre rappel sur salaire pour heures supplémentaires votre employeur peut être condamné à vous régler une indemnité pour travail dissimulé (selon l’article L.8221-5 du Code du travail) si votre employeur se soustrait volontairement :

  • à ses obligations de déclaration sociale et fiscale (dont déclaration préalable à l’embauche),
  • de délivrance d’un bulletin de paie,
  • vous remet un bulletin de paie dissimulant le nombre d’heures réellement effectuées,
  • ne déclare pas tous les salaires et ne règle pas les cotisations sociales assises sur les salaires.

Vous devrez néanmoins trouver que votre employeur a dissimulé volontairement les heures de travail que vous avez effectuées.
Vous pourrez alors obtenir en justice une indemnité forfaitaire pour dissimulation d’emploi égale à 6 mois de salaire (l’article L.8223-1 du Code du travail).

La preuve que l’employeur agi intentionnellement est difficile à établir pour le salarié.
Ainsi, la seule preuve des heures supplémentaires non payées ne suffit pas à prouver cette intention de dissimuler de l’employeur.
Et pourtant, les Juges considèrent que les heures supplémentaires ont été effectuées avec l’accord implicite de l’employeur sans exiger du salarié qu’il justifie d’une demande expresse de son employeur (notamment Cass. Soc. 7 février 2018 n°16-22964).

Dès lors, comment pouvez-vous prouver que votre employeur a intentionnellement dissimulé vos heures de travail ?

 

Voici quelques pistes à suivre :

Les indices matériels qui font directement preuve de l’intention de l’employeur de dissimuler les heures supplémentaires du salarié.

  1. L’absence ou la tardiveté de la déclaration préalable à l’embauche du salarié par l’employeur
    L’employeur qui procède tardivement à la déclaration d’embauche du salarié manifeste nécessairement pour les juges une intention de dissimuler les heures de travail du salarié : (Cass. Soc. 2 mars 2017 n°16-10263). 
  2. La dissimulation par l’employeur du relevé électronique des heures de travail
    Il en est de même lorsque l’employeur dissimule le temps de travail enregistré sur un chronotachygraphe (appareil électronique qui enregistre la vitesse, le temps de conduite et les activités, travail, disponibilité et repos des chauffeurs):(Cass. Soc. 26 septembre 2018 n°17-15384).

Ou lorsque l’employeur amis en place un système de badgeage sans payer aux salariés les heures supplémentaires, les juges considérant que« l’employeur avait nécessairement connaissance de l’accomplissement d’heures supplémentaires en raison de l’existence d’un système de badgeage et de l’organisation du travail qu’il avait mise en place, (Cass. Soc. 28 juin 2017 n°16-12620).

 « Mais attendu que la cour d’appel qui,… a relevé que durant plusieurs années, l’employeur qui connaissait parfaitement les heures de travail effectuées par son salarié puisqu’il disposait des relevés de badgeage, avait mentionné sur le bulletin de paie de ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement exécuté, a par là même caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé » (Cass. Soc. 18 mai 2017 n°15-23645).

En conclusion, l’intention de dissimuler les heures de travail du salarié découle nécessairement :

  • Du retard dans la déclaration d’embauche et bien entendu en l’absence de déclaration d’embauche du salarié ;
  • Lorsque le temps de travail du salarié est matériellement vérifiable sur un appareil électronique badgeage, chronotachygraphe, pointeuse horaire, logiciel de gestion de temps etc. et que l’employeur ne règle pas au salarié toutes les heures de travail matériellement établies.

 

Lorsque le salarié prouve ses conditions irrégulières de travail

  1. Ainsi lorsqu’un salarié établit que son contrat de travail à temps partiel est en réalité un contrat de travail à temps plein :
    « Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a relevé que l’employeur avait volontairement dissimulé pendant plusieurs années une partie du temps de travail effectué par le salarié à temps plein et non à temps partiel et, par là-même, caractérisé l’élément intentionnel du travail dissimulé » (Cass. Soc. 15 juin 2018 n°16-28372).
    « Ayant relevé que le salarié, qui effectuait un temps complet ainsi que des heures supplémentaires était rémunéré officiellement sur un temps partiel, et que s’agissant d’une petite structure, l’employeur avait nécessairement connaissance du nombre d’heures qu’il faisait effectuer par le salarié, la cour d’appel a caractérisé l’intention de dissimulation » (Cass. Soc. 5 avril 2018 n°16-16573). 
  2. De même lorsque l’employeur dissimule la relation salariée sous une activité commerciale qu’il a exigé de mettre en place (agent commercial, entrepreneur individuel (auto- entrepreneur), société constituée uniquement pour dissimuler la relation de travail etc…):
    Les juges vont rechercher tous les éléments permettant de reconnaître une situation salariée, cet arrêt en donne quelques exemples :
    « Sur ses courriels, son papier à lettre et ses cartes de visites comme appartenant à cette dernière, était intégré dans l’organisation du travail de celle-ci, et qu’il exerçait son activité sous les ordres et le contrôle du président auquel il rendait des comptes, percevant une rémunération mensuelle fixe, la cour d’appel a pu en déduire l’existence d’un lien de subordination envers la société». 

    Sous l’apparence d’une relation commerciale entre un agent commercial et une société était organisée une véritable relation de travail (avec un travail effectué, une rémunération fixée et une subordination hiérarchique établie).
    L’intention malicieuse de l’employeur était démontrée puisque la société n’avait donné aucun cadre juridique à la relation contractuelle en n’établissant pas d’écrit et en cherchant à masquer la relation de travail par un contrat commercial verbal.
    Dans ces conditions, la Cour de Cassation saisit du pourvoi de l’employeur confirme la décision de la cour d’appel :
    « Sous couvert de grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que l’intention de dissimulation de l’employeur était établie » (Cass. Soc. 14 février 2018 n°16-15640).

 

Et bien entendu, le silence du salarié durant son embauche ne dédouane pas l’employeur de la dissimulation d’emploi avérée

Argument souvent évoqué par l’employeur, le silence du salarié qui n’ose pas contester cette situation de heures de perdre son emploi n’est bien entendu pas considéré par les juges comme une preuve d’acceptation d’une situation de toute façon irrégulière :

Et ce même si le silence du salarié persiste durant plusieurs années :

« Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, l’arrêt retient que le salarié n’a jamais interpellé son employeur sur le paiement de ses heures supplémentaires effectuées en sa qualité de responsable de magasin, que ce n’est que dans le cadre de la procédure prud’homale qu’il a formé sa demande en paiement d’heures supplémentaires en sorte que le caractère intentionnel de l’absence de mention des heures supplémentaires accomplies sur les bulletins de paie n’est pas rapporté ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le caractère non intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié ne peut se déduire de l’absence de contestation par le salarié du non-paiement des heures supplémentaires accomplies, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (il s’agissait de l’article L.82221-5 du Ocde du travail déjà cité) (Cass. Soc. 11 mai 2017 n°16-13.675

Sachez donc réclamer votre indemnité pour travail dissimulé en conservant vos preuves de vos heures supplémentaires et notamment : courriels échangés, copie d’agenda, sms, relevés de badgeages, de pointeuse, attestations conformes à l’article 202 du code de procédure civile, etc…, et en consultant un avocat de préférence spécialiste en droit du travail dans le délai de prescription de trois ans applicables en matière de rémunération.

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