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Prendre acte de la rupture de votre contrat de travail, ce qu’il faut retenir en 2018

Alors que l’année 2018 se termine, les prises d’actes n’ont pas cessé de représenter un nombre conséquent des ruptures de contrat de travail, comme en témoigne les décisions rendues.

Crée par les Juges, la prise d’acte est un rempart pour le salarié qui subit des manquements graves de son employeur auxquels il peut ainsi mettre fin immédiatement,

Mais cette prise d’acte n’est pas sans risque : à défaut d’établir des manquements suffisamment graves pour rendre impossible le maintien du contrat de travail, la prise d’acte ne produira que les effets d’une démission avec comme conséquence entre autre l’absence d’ouverture de droit immédiat à allocation de retour à l’emploi.

 

Au contraire, si les juges décident que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ou nul en cas de discrimination ou violation d’une liberté d’ordre public, le salarié obtiendra notamment des dommages et intérêts, une indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité de licenciement et l’indemnisation de tous ses autres préjudices.

 

Voyons quels sont les conditions posées par les juges pour faire produire à la prise d’acte les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle ni sérieuse :

 

  1.      Si le contrat de travail du salarié est modifié par l’employeur sans accord exprès du salarié

Une cour d’appel qualifie de démission la prise d’acte d’un gestionnaire de paie (salarié protégé) qui avait indiqué son intention de quitter l’entreprise pour un nouvel emploi, qui n’a pas contesté la modification de son poste qui n’avait duré que 20 jours avec maintien de son salaire alors que :

« Le salarié avait exercé des fonctions d’Administrateur… que lors de son retour après la mise à pied de nouvelles missions lui avait été attribuées…ce dont (la Cour) aurait dû déduire l’existence de manquements suffisamment graves de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail » (Cass. Soc. 12 septembre 2018 n°16-27549).

 

De même pour le Journaliste animant deux émissions hebdomadaires qui démissionne puis informe son employeur dans un second courrier avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail invoquant le retrait d’une partie de ses attributions nonobstant l’absence de modification de sa rémunération et de sa qualification.

 

La Cour d’Appel analysant les pièces produites relève que « les méthodes nouvellement adoptées par la société avaient impliqué une modification profonde de l’exécution du contrat de travail, dépossédant le salarié d’une part essentielle de ses prérogatives…l’employeur avait manqué de loyauté et ce manquement était suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture », ce que la Cour de Cassation confirme dans son arrêt du 7 mars 2018(n°15-27458).

 

  1. Des faits anciens remontant à 14 mois justifient la prise d’acte du salarié

 

L’employeur d’un salarié Directeur Comptable conteste devant la Cour de Cassation la prise d’acte du salarié considérant que les motifs invoqués seraient anciens, (14 mois avant la lettre de résiliation transformée en prise d’acte.

 

La Cour de Cassation confirme pourtant l’arrêt d’appel aux motifs que « du fait des réorganisations successives d’activité opérées par l’employeur…le salarié avait subi de multiples modifications de son contrat de travail ayant pour conséquence une réduction de ses responsabilités hiérarchiques, même si ses fonctions avaient été officiellement maintenues suite à la réorganisation, (la Cour d’Appel) a pu retenir l’existence de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail » (arrêt du 18 janvier 2018 n°16-21621).

 

Dans la seconde décision des manquements de l’employeur antérieurs de plus d’un an à la lettre de démission qui ne contenait aucune réserve sont jugés suffisamment graves pour justifier la prise d’acte du salarié :

 

« Attendu… que Monsieur X… a été engagé en qualité de médecin anesthésiste… puis nommé… Chef du service d’anesthésie… Attendu que pour dire que la démission était claire et non équivoque, l’arrêt retient que les différends opposants le salarié à son employeur,… sont antérieurs de plus d’un an à la lettre de démission qui ne contenait aucune réserve et qu’aucun élément ne vient étayer le lien entre les manquements invoqués et l’acte de démission ;

 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait précisé dans une lettre… que sa démission résultait de l’absence de réponse de l’employeur, après une année de conflit aux graves manquement à la sécurité anesthésique, la cour d’appel… a violé les textes susvisés » (Cass. Soc 16 mai 2018 n°16–26493).

 

 

  III.         Peu importe le silence du salarié, l’absence de protestation de sa part et la rupture rapide du contrat sans laisser à l’employeur le temps de répondre, les manquements graves sont caractérisés

 

Une salarié protégée dont la qualification a été modifiée à la suite du transfert d’activité de son employeur à un autre employeur prend acte de la rupture de son contrat de travail après avoir travaillé seulement 5 jours aux nouvelles conditions imposées par l’employeur, sans laisser, selon son employeur le temps de lui répondre qui rappelait que ni ses fonctions ni sa rémunération n’avait été modifié.

 

La cour de cassation, ne retenant aucun des arguments de l’employeur confirme pourtant l’arrêt d’appel qui avait souverainement considéré que les manquements graves justifiaient la rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 16 mai 2018 n°17–10 510).

 

  1. La lettre de prise d’acte ne fixe pas les limites du litige, le juge doit donc examiner tous les manquements invoqués devant lui par le salarié

 

Enfin, rappelons que la cour de cassation protège le salarié en lui permettant d’évoquer devant le juge d’autres manquements de l’employeur non mentionnés dans sa lettre de démission/prise d’acte qu’il peut évoquer dans le cadre de la procédure judiciaire.

Ainsi, devant le juge tous les manquements reprochés pourront être examinés pour permettre à la prise d’acte du salarié de produire les effets d’un licenciement nul/sans cause réelle et sérieuse.

(Cass. Soc 28 novembre 2018 n°17–19719 et Cass. Soc 30 mai 2018 n°17–11 082).

 

Sachez donc respecter les conditions validées par les juges avant de prendre acte de la rupture de votre contrat de travail et prenez conseil auprès d’un avocat de préférence spécialiste en droit du travail afin d’éviter  les graves écueils d’une requalification de votre prise d’acte en démission.

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