III. La charge de la preuve en matière de prime d’objectifs
Le principe est le suivant :
L’employeur a l’obligation de payer son salaire au salarié et de justifier de ce paiement.
En matière de prime d’objectif l’employeur doit communiquer au salarié les conditions de calcul de sa prime d’objectifs.
A défaut, la sanction peut être radicale et l’employeur condamné au montant maximum de la prime d’objectifs du salarié s’il ne parvient pas à établir qu’il a informé le salarié des conditions de calcul vérifiables de sa prime d’objectifs (18 juillet 2013 n°12-17921 et 11 juillet 2012 n°11-15344).
En outre, la Cour de cassation veille strictement à ce que ce soit à l’employeur et non au salarié de prouver le paiement de la prime d’objectifs :
« …il appartient à l’employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d’un salarié et, lorsqu’il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation » (Chambre sociale 22 octobre 2015 n°14-18565).
Quelques jours auparavant, le 13 octobre 2015 (n°14-18259) la Cour avait jugé la demande de rappel de prime d’objectifs d’une salariée licenciée pour motif économique qui était contestée par l’employeur au motif qu’elle n’établirait pas la réalisation des objectifs contractuels de la prime revendiquée.
La Cour de cassation contestant l’argumentation de l’employeur rappelle alors que « le contrat de travail de la salariée du 2 août 2010 stipulait une prime quantitative mensuelle sur objectifs, d’autre part…que la salariée fournissait le détail des primes qu’elle aurait dû percevoir et que la société ne produisait aucun élément chiffré contradictoire d’autre part ».
L’employeur est sanctionné pour son imprécision : il n’a pas transmis un état chiffré et contradictoire du détail des primes à la salariée.
C’est également sur ce même fondement qu’ont été accueillies par la Cour de cassation les demandes en paiement de bonus d’un cadre commercial qui avait été rejetées en appel au motif qu’il n’apporterait pas la preuve d’éléments chiffrés permettant de calculer ses commissions (Chambre sociale 9 avril 2015 n°13-27402).
Les juges d’appel mettaient ainsi la charge de la preuve sur le salarié, l’employeur se contentant d’indiquer que le montant du bonus qu’il avait versé au salarié était bien conforme au chiffre d’affaires réalisé par celui-ci au cours de la période de référence.
La Cour de cassation conteste l’appréciation des juges du fond considérant qu’il appartient à l’employeur de prouver l’information et l’accord du salarié sur les conditions de fixation de sa prime d’objectif :
« …en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui faisait valoir que, contrairement à ce que prévoyait le contrat de travail, les conditions de la rémunération variable n’avaient pas fait l’objet d’une négociation entre les parties, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ».
Le texte en question était l’article 455 du Code de procédure civile qui contraint les juges à motiver leur jugement.
Il appartenait donc en premier lieu à l’employeur de justifier que la prime d’objectif avait bien fait l’objet d’une négociation en début d’exercice conformément aux clauses du contrat de travail.
C’est donc à tort que la cour d’appel avait mis sur les seules épaules du salarié la charge de la preuve de la négociation de la prime d’objectif en début d’exercice.
En matière de paiement de prime d’objectifs, la carence de l’employeur est sévèrement sanctionnée par les juges (pour rappel : l’absence de paiement au salarié de sa prime d’objectifs constitue un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d’acte du salarié (15 septembre 2015 numéro 14 – 10416).
Les décisions rendues en 2015 confirment la protection judiciaire des salariés relative au règlement de leur salaire et prime d’objectifs, les juges veillant (en savoir plus, lire : salariés obtenez le paiement de votre prime d’objectif en 2016 1ère et 2ème parties)
– à garantir au salarié le droit au paiement de sa prime d’objectifs au prorata de son temps de présence dans l’entreprise,
– à mettre la charge de la preuve du paiement de la prime sur les épaules de l’employeur,
– à imposer à l’employeur d’informer clairement le salarié de manière loyale et claire des conditions de calcul de sa prime d’objectifs, à fixer les objectifs en début d’exercice, et bien entendu à justifier du paiement de la prime au salarié qui a atteint ses objectifs.