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Comment obtenir le paiement d’une prime discrétionnaire ?

Une prime est discrétionnaire par opposition à une prime d’objectif, bonus, rémunération variable contractuelle lorsque votre prime est verbale ou que votre contrat mentionne qu’elle est exceptionnelle, versée à la discrétion de l’employeur.
Si votre prime verbale est d’un montant fixe, qu’elle est générale c’est à dire étendue à tous vos collègues salariés de l’entreprise ou à toute une catégorie par exemple les cadres et si elle est versée de manière constante, votre prime devient un usage obligatoire pour l’employeur.

Contrairement au bonus contractuel, le paiement de votre prime discrétionnaire n’est pas obligatoire pour l’employeur sous réserve de respecter par exemple l’égalité de traitement entre salariés et la loyauté contractuelle.

Mais au fil des décisions de justice on constate une frontière de plus en plus ténue entre la prime discrétionnaire et la prime d’objectif.
Pour savoir si l’employeur doit vous verser votre prime, il est utile de savoir faire la différence entre une prime variable et une prime discrétionnaire. Néanmoins parfois la frontière est ténue (I) Sachez également que même à l’égard d’une prime discrétionnaire, votre employeur doit respecter certains principes fermement appliqué par les juges (II)

I. Ce qui différencie une prime variable discrétionnaire d’une prime d’objectif obligatoire pour les juges :

➢ Si la prime est mentionnée dans votre contrat de travail :

Voici le cas d’une prime qui dépendait de l’appréciation du responsable hiérarchique(i), sans qu’aucun critère objectif ne soit défini pour l’attribution de la prime(ii), avec un employeur qui arguait de difficultés financières, la cour d’appel considère alors que la prime serait discrétionnaire.

Ce que la Cour de Cassation conteste en donnant raison à la salariée qui évoquait au contraire une prime obligatoire :
« que le contrat de travail prévoyait que la salariée avait droit à une prime individuelle qualitative annuelle dont le montant dépendait de l’appréciation de son travail par son supérieur hiérarchique, d’autre part que l’employeur, qui avait l’obligation d’engager chaque année des négociations avec la salariée en vue de fixer d’un commun accord avec elle les modalités de calcul de ladite prime, n’établissaient pas avoir satisfait à cette obligation » (Cass. Soc. 29 mars 2017 n°16-10251).

En d’autres termes, dès lors que le contrat de travail prévoit une prime et les conditions de fixation de cette prime telle que l’appréciation du travail du salarié et l’obligation d’engager chaque année des négociations avec le salarié, la prime a un caractère obligatoire et non purement discrétionnaire.

➢ Si la prime n’est pas stipulée dans le contrat de travail mais :

* évoquée dans un courrier adressé par l’employeur au salarié, elle peut être obligatoire :

La Cour d’Appel de Versailles 15ème chambre (1er février 2017 n°14/04913) a ainsi reconnu l’engagement de l’employeur au versement d’une prime obligatoire dans un courrier intitulé « votre variable de 2010 » qui prévoit « une rémunération variable complémentaire » démontrant un « engagement unilatéral clair, précis et définitif rendant son versement obligatoire » à objectif atteint. Selon la cour, « les conditions d’octroi de la prime étaient définies dans le courrier et son annexe ».

* mentionnée dans une note de l’employeur :

La Cour d’Appel de Versailles 17ème chambre dans son arrêt du 11 janvier 2017 (15/01116) relève « qu’il résulte de la note établie le 25 mars 2010 par…le Directeur Général Délégué, que la rémunération variable (du salarié) avait fait l’objet d’un engagement verbal quant à un montant garanti au titre de l’année exercice 2009 et qu’il n’est pas par ailleurs discuté qu’il a perçu une rémunération variable de 120 000 € en 2010 pour l’année 2009 ;
que la pratique généralisée d’une rémunération variable individuelle dans l’entreprise sous la forme de bonus d’activité annuelle est établie tant par les attestations de… salariées de la société que par la note produite par l’employeur lui-même…qui présente les critères sur lesquels la rémunération variable est calculée (sur le secteur du salarié)…
qu’aux termes de cette note, « cette rémunération variable, par nature discrétionnaire, est liée aux performances globales de l’entreprise et aux performances individuelles évaluées sur la base de critères mesurables tant quantitatif que qualitatif spécifique à chaque fonction…
cette note constituant un engagement unilatéral de sa part, l’employeur ne peut se retrancher derrière le montant discrétionnaire affirmé par celle-ci alors qu’elle prévoit des critères qui n’ont pas été respectés… ».

Ainsi, les Juges ne s’arrêtent pas spécifiquement au contrat de travail du salarié mais prennent en compte tout courrier et note de celui-ci dès lors que des conditions d’octroi de la prime sont établies.

➢ Si aucune prime n’est prévue dans le contrat de travail :

Par deux arrêts rendus en 2015 (28 janvier 2015 numéro 13 – 23421 et 16 décembre 2015 (n°14-21904) la Cour de Cassation a reconnu obligatoire le paiement d’une prime versée non mentionnée dans le contrat de travail qui était devenu un usage dans l’entreprise car (i) elle est versée à tous les salariés de l’entreprise ou à tous les salariés d’une même catégorie de l’entreprise, (ii) son montant est fixe (iii) et son versement est constant.

Dans le fil de cette jurisprudence, la Cour d’Appel de Paris Pôle 6 – Chambre 2 (16 février 2017 n°16/07433) a dénué à une prime le caractère d’un usage obligatoire au sein de l’entreprise car (i) si elle était versée régulièrement aux salariés chaque année et d’un même montant depuis plus de 6 ans, (ii) ce montant variait d’un salarié à l’autre dans l’entreprise sans aucune règle précise : « l’attribution de la prime litigieuse paraît revêtir un caractère discrétionnaire en ce qu’elle peut varier, à la hausse ou à la baisse, d’une année à l’autre ou d’un salarié à l’autre sans que cette variation découle de l’application une règle préétablie ».

En conclusion, dès lors qu’une prime est mentionnée dans le contrat de travail avec un objectif fixé, elle perd son caractère discrétionnaire et constitue une rémunération obligatoire due par l’employeur à objectifs atteints. A défaut, et en cas de prime verbale, le salarié pourra faire reconnaitre son caractère obligatoire à la condition d’établir qu’elle remplie les conditions d’un usage : fixité constance et généralité.

II. Même en présence d’une prime discrétionnaire, l’employeur doit respecter le principe d’égalité de traitement de ses salariés selon le principe : « à travail égal salaire égal » :

« Le seul fait qu’une prime soit laissée à la libre appréciation de l’employeur n’est pas de nature à justifier, en soit une différence de traitement au salarié placé dans une situation comparable au regard de l’avantage considérée, qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’elle avait constaté que les primes litigieuses avaient été versées à d’autres salariés sans caractériser l’existence de critères objectifs définis préalablement permettant de vérifier la qualité de travail du salarié pour l’octroi de ces primes, la Cour d’Appel a violé le principe susvisé » (Cass. Soc. 13 janvier 2016 n°14-26050).

Il s’agit de vérifier que l’employeur, sous couvert d’agir discrétionnairement suivant son pouvoir de direction ne cherche pas à prononcer une sanction pécuniaire interdite à l’encontre d’un salarié :

C’est ce que la Cour d’Appel de Versailles 11ème chambre le 7 juillet 2016 (n°14/03757) a jugé à l’égard d’un salarié (i) qui justifie que les salaries ayant adhéré comme lui au PSE ont eu un bonus diminué, (ii) que son bonus était déterminé à la fois par les résultats du Groupe de son département et de sa performance personnelle, (iii) « aucun élément ne fait apparaitre qu’il aurait démérité au cours de l’année 2008, ce dernier rappelant qu’il a au contraire bénéficié d’une promotion en août 2008, (iv)et que l’employeur malgré, une sommation de communiquer les bonus versés aux membres de son équipe et directeurs des autres zones géographiques… n’a pas communiqué ces éléments ; dans ces conditions il sera retenu que (le salarié) justifiait en son principe d’une inégalité de traitement… ; il sera fait partiellement droit à sa demande de rappel de bonus… ».

La Cour d’Appel de Nîmes le 15 novembre 2016 (n°15/00672) relève également une inégalité de traitement à l’égard d’une salariée établissant avoir perçu des primes annuelles inférieures à ses collègues (i) ainsi qu’il apparaissait à la lecture de la déclaration nominative annuelle des salaires (ii) et son travail ayant été jugé satisfaisant, la Cour relevant que l’employeur ne justifiait pas « par des raisons objectives et pertinentes la disparité de traitement dans l’attribution des primes entre les cadres de l’entreprise, quand bien même ils appartiennent à des catégories différentes, (et ne faisait pas la preuve de la mauvaise qualité du travail fourni par la salariée…étant observé…qu’il ne fait état d’aucune sanction disciplinaire ni même d’aucun rappel à l’ordre adressé à l’intéressé pendant l’année ayant précédé son licenciement… ».

L’absence de mise en garde de l’employeur est également relevée par la Cour d’Appel de Paris Pôle 6 – Chambre 8 dans son arrêt du 16 février 2017 (n°13/11465) qui relève que :
« (si l’employeur) expose que la prime discrétionnaire n’était pas nécessairement due (au salarié) et que les mauvais résultats de l’intéressé expliquent ce non versement ;…X étant le seul salarié de la société (employeur) à n’avoir pas bénéficié de ces gratifications et aucune pièce – mise en garde ou remontrance quelconque envers l’intéressé – n’étant versée aux débats, l’absence de gratification apparait constitutive d’un traitement inégal que rien ne vient justifier… ».

Les juges veillent ainsi à protéger un élément essentiel de la relation de travail : la rémunération du salarié.

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