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L’accord de performance collective : mode d’emploi

Connaissez vous l’accord de performance collective (APC) créé par le Législateur en septembre 2017 ?

Son but est précisé à l’article L2254-2 du Code du travail : il s’agit de permettre à l’entreprise de réagir dans son fonctionnement, pour préserver l’emploi ou le développer, en d’autres termes d’offrir à l’entreprise une réactivité à l’égard des difficultés rencontrées, par exemple face à l’épidémie de Covid 19.

Concrètement, par exemple une entreprise affectée dans un établissement par la pandémie peut via cette APC concentrer son personnel sur un autre site, imposer une réduction de rémunération, une mobilité etc.

 

Qui sont les signataires de l’APC ?

L’APC obéit aux conditions de signature des accords collectifs d’entreprise, il faut donc un accord majoritaire des organisations syndicales qui représentent 50% des salariés ou bien à défaut représentant 30% des salariés et approuvé par la majorité des salariés concernés, ou encore à défaut de délégué du personnel l’accord pourra être ratifié par des élus ou des salariés mandatés suivant l’effectif de la société.

 

Que doit contenir cet accord ?

La loi impose que l’accord définisse les raisons pour lesquelles il est conclu, « ses objectifs », s’il concerne le temps de travail il devra aussi informer les salariés des changements prévus dans un délai d’au moins 7 jours et respecter les règles impératives imposées par exemple en matière de forfait annuel en heure ou en jour, les règles d’ordre public concernant les salariés à temps partiel.

 

Quelle est la durée de l’accord ?

Celle précisée dans l’accord et à défaut de précision la durée sera de 5 jours.

 

Quelles sont les conséquences de l’APC sur les droits des salariés ?

C’est là que les difficultés sont les plus saillantes.

Le salarié n’a pas son mot à dire sur les clauses de l’APC qui s’imposent à lui une fois ratifié.

Il n’a aucun pouvoir de négociation, il peut uniquement refuser l’application de l’APC avec des conséquences radicales : son refus vaut licenciement pour cause réelle et sérieuse et ce refus devra parvenir à l’employeur dans le délai d’un mois à compter du jour où celui-ci l’a informé de l’accord et de son droit d’accepter ou de refuser la modification de son contrat de travail en vertu de l’APC conclu.

Un refus engage l’employeur à procéder au licenciement du salarié dans le délai de 2 mois à compter de la notification de ce refus, ce licenciement doit respecter la procédure du licenciement pour cause personnelle.

L’employeur peut toutefois décider de conserver le salarié à son poste malgré son refus le licenciement n’est donc pas automatique. Bien entendu l’employeur devra appliquer toutes les règles d’ordre public relatives aux salariés protégés (solliciter l’autorisation préalable de l’inspection du travail avant de mettre en œuvre la procédure de licenciement, consultation s’il y a lieu du CSE etc).

Le salarié licencié bénéficie des indemnités de pôle emploi avec un délai de carence qui pourra s’appliquer, de l’indemnité de licenciement la plus probable, légale ou conventionnelle, d’un abondement du compte personnel de formation de 3 000 euros minimum.

 

Dans ces conditions, comment le salarié peut-il contester son licenciement ?

Essentiellement par une action en exécution déloyale du contrat de travail devant le Conseil de Prud’hommes Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 7 arrêt du 17 mars 2022 RG 19/06353.

Il peut s’agir d’établir que l’APC n’est qu’un prétexte pour l’employeur pour se séparer des salariés qui ont refusé par exemple une réduction de leur salaire ou un lieu de travail éloigné de leur lieu actuel etc.

Sous couvert d’un APC l’employeur peut chercher à dissimuler un licenciement pour motif économique beaucoup plus contraignant avec applications de règles d’ordre public.

D’un autre côté, l’employeur pourra assurer de sa loyauté par le jeu de véritables contreparties offertes aux salariés qui acceptent l’APC, par exemple en rendant les dispositions imposées par l’APC à durée déterminée et non indéterminée, en offrant de véritables contreparties financières aux salariés refusant l’APC, très supérieure aux indemnités légales qui seraient versées dans le cadre d’un licenciement pour motif économique par exemple.

La loyauté de l’employeur pourrait également être démontrée lors de la négociation de l’APC en associant véritablement les partenaires sociaux à sa négociation et en leur rappelant entre autres qu’ils peuvent bénéficier de l’accompagnement d’un cabinet d’expertise pris en charge à 100% par l’entreprise, ce qui est souvent méconnu par les organisations syndicales et les représentants des salariés.

Certains points demeurent particulièrement injustes à l’égard des salariés : alors que l’employeur peut dans le cadre de cet APC négocier une baisse de salaire à durée indéterminée des salariés, le Législateur ne leur demande aucune contrepartie à l’égard de leur propre rémunération.

 

Quelle est la position de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ?

Très récemment, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) est venue renforcer les droits du salarié.

Bien que ce rapport ne s’impose pas au Législateur français, les rapports de l’OIT exercent une influence non négligeable en droit positif à l’égard des Juges et du Législateur.

Le 16 février 2022, l’OIT a considéré qu’il appartient au Juge de contrôler que le refus du salarié d’accepter l’APC repose sur un motif constituant une cause réelle et sérieuse de licenciement.

L’OIT demande ainsi au Juge de contrôler si l’entreprise justifie de la nécessité de mettre en place l’accord conclu conformément aux critères légaux.

Ainsi, selon l’OIT le Juge doit sanctionner l’employeur qui aurait détourné le but d’un tel accord, à savoir justifier de nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise en vu de préserver ou de développer l’emploi.

La Cour de Cassation n’a pas encore rendu de décision appliquant les recommandations de l’OIT.

 

Affaire à suivre donc.

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