Bonus et prime variable des salariés en 2017 – synthèse des décisions les plus récentes

Les juges du fond (les cours d’appel) protègent le droit du salarié à être payé de son travail : bonus, prime et rémunération variables sont donc scrutées à la loupe par les tribunaux.
Deux principes sont appliqués avec fermeté par les juges en 2017, dans le droit fil des décisions rendues en 2016 :

– le droit à l’information du salarié sur les conditions de calcul de sa prime d’objectif dont l’employeur doit justifier (I).
– la sanction de l’employeur qui n’informe pas régulièrement et clairement le salarié : l’obligation de payer au salarié son bonus (II).

I. Le salarié doit être en mesure de connaître les conditions de calcul de sa prime d’objectif

L’information doit être claire et individuelle d’une part et l’employeur doit être en mesure d’en justifier :

L’employeur ne justifie pas d’une information claire et individuelle si celle-ci est donnée par l’Intranet de l’entreprise ou par la communication d’une note explicative donnée au CCE (Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 6, 18 janvier 2017 RG n°14/01442) : :
« Les informations diffusées via l’Intranet de l’entreprise et celles communiquées au CCE ne sauraient suffire à démontrer que (la salariée) a eu effectivement connaissance des objectifs auxquels elle devait concourir pour obtenir le versement optimal de la part variable de sa rémunération ».

De même que le seul fait pour le salarié de faire partie du Comité de Direction de l’entreprise ne suffit pas non plus à justifier de l’information donnée au salarié (Cour d’appel de Versailles, 11ème Chambre, 19 janvier 2017 RG n°14/03322) :
« aucun entretien n’est intervenu avec (le salarié) ; le fait que celui-ci ait appartenu au Comité de Direction ne peut suppléer à cette carence ».

L’information donnée en anglais et non en français est inopposable au salarié (Cour d’Appel de Besançon du 28 février 2017 RG n°15/02470 :
« Il résulte de l’article L.1321-6 du Code du travail que tout document comportant des obligations pour le salarié ou les dispositions dont la connaissance et nécessaire pour l’exécution de son travail doivent être rédigées en français (Cass. Soc. 29 juin 2011 n°09-67492). Ainsi, le document fixant les conditions nécessaires pour la perception de bonus …, à défaut d’être rédigé en français, est inopposable au (salarié).
C’est dès lors à juste titre que celui-ci sollicite le paiement du solde du bonus litigieux ».

Lorsque les objectifs fixés sont « mal définis et sur des bases qui revêtent un caractère irréaliste » (Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 3, 28 mars 2017 X contre société COFINOGA-LASER COFINOGA) :
 » les objectifs fixés à X sont mal définis…même s’il appartient au salarié qui revendique une commission de justifier qu’il a droit à son attribution, en fonction de conventions ou d’usages, l’employeur est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base de calcul de son salaire notamment de cette part variable… ».

L’information donnée par un document « non daté et non signé intitulé « plan de bonus local 2015 » est insuffisant (à justifier) d’une information satisfactoire du salarié » (23 février 2017 Cour d’appel de Paris Pôle 6 –Chambre 2 RG n°16/08705).

La clause ne doit pas porter atteinte à la liberté du travail. La clause qui impose la présence du salarié dans l’entreprise lors du paiement de la prime est régulièrement jugée inopposable au salarié (Cass. Soc. 18 avril 2000 n°97-44235). Principe rappelé par la cour d’appel de Besançon (28 février 2017 RG n°15-02470) :

« Il ressort d’une jurisprudence constante que si l’employeur peut assortir une prime de condition, encore faut-il que celles-ci ne portent pas atteinte aux libertés et droits fondamentaux du salarié… En conséquence, la société…ne pouvait sans porter atteinte à la liberté de travail de X, subordonner le maintien du droit à sa prime de fin d’année 2013 à la condition de sa présence dans l’entreprise à la date de versement fixée au mois de mars 2014, sauf à pratiquer ainsi une sanction pécuniaire illicite »

Les juges examinent donc concrètement si l’information a été donnée individuellement et clairement au salarié. A défaut, les juges sanctionnent l’employeur en fixant la prime d’objectif due au salarié.

II – Si l’information donnée est insuffisante ou inexistante, la rémunération variable doit être versée par l’employeur au salarié

Les juges fixent alors le montant de la prime d’objectif. Comment procèdent-ils ?

La cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 4 (arrêt du 10 janvier 2017 (RG n°15/09328) précise la méthode employée :
« Lorsque l’employeur et le salarié sont convenus d’une rémunération variable, il incombe au Juge de la déterminer en fonctions des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause… ».

Ainsi, la cour d’Appel qui, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, a fixé la prime d’objectif en :
« procédant à un examen comparatif de l’ancien plan de commissionnement et du nouveau plan duquel il ressortait, du fait de la reconstitution du chiffre d’affaires, l’existence d’un différentiel au préjudice de la salariée…(justifiant) sa demande de rappel de salaire au titre des commissions sur objectif » est approuvée par la cour de cassation (chambre sociale 6 octobre 2016 n°15-15672.

Lors d’une succession d’employeur, le repreneur évoquant un avenant antérieur du salarié qui serait « obsolète » (la rémunération) reposant sur des critères qui n’existent pas chez (le repreneur), doit néanmoins payer sa prime d’objectif au salarié car « les éléments contractuels s’imposent (à la société) qui a repris le contrat ». (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 17ème Chambre B, 6 avril 2017 RG n°15/04497).

L’employeur qui évoque la baisse de son chiffre d’affaire pour échapper au paiement du bonus au salarié doit également lui payer sa prime variable :
« La société Y …ne saurait utilement pour justifier sa carence, se prévaloir des résultats négatifs qu’elle a enregistré en 2015. Faute pour l’employeur d’avoir défini les objectifs à atteindre ou leur méthode de calcul, ceux-ci doivent être réputés atteints, à 100% » (Cour d’appel de Paris, Pôle 6 –Chambre 2, 23 février 2017 RG 16/08705).

Dès lors que les objectifs sont « mal définis et sur des bases irréalistes » (arrêt précité cour d’appel de Paris du 28 mars 2017), l’employeur est condamné au paiement intégral du bonus fixé les années précédentes :
« l’employeur est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base de calcul de son salaire notamment de sa part variable. En cas de litige lorsque le calcul dépend d’éléments détenus par l’employeur celui-ci doit les produire en vue d’une discussion contradictoire… au regard du fait qu’ils ne pouvaient être considérés comme réalisables, le salarié apparaît fondé à obtenir l’intégralité du bonus qui lui a été alloué pour les années précédentes… ».

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