La vidéo-surveillance dans l’entreprise est devenue une pratique courante à l’ère des réseaux sociaux et de l’information permanente.
Parallèlement se développe un contentieux lié à cette utilisation de la vidéo-surveillance non respectueuse des droits du salarié, retenez deux règles principales d’utilisation de la vidéo-surveillance dans l’entreprise.
1er principe : le respect de la vie privée du salarié (Art. 9 du Code civil).
En application de ce principe, si l’employeur peut installer une vidéo-surveillance dans les locaux professionnels, il doit respecter le droit au respect de la vie privée du salariés c’est-à-dire par exemple ne pas le filmer dans les zones de pause, de repos, les toilettes etc., déclarer le système de vidéo-surveillance à la CNIL, restreindre l’accès des vidéos, le visionnage de la vidéo-surveillance au responsable de la sécurité par exemple, limiter la durée de conservation des données etc (Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés).
2ème principe : le salarié doit être informé expressément de la mise en œuvre de cette vidéo-surveillance et de ses droits [1] [2].
Voici 3 exemples de litiges relatifs à la vidéo-surveillance dans l’entreprise vous permettant de mieux comprendre vos droits :
1. Lorsque la vidéo-surveillance ne respecte pas la vie privée du salarié, alors la preuve illicite est écartée des débats [3].
Un opérateur de production est mis à pied à titre disciplinaire pour deux semaines pour avoir « abandonné son poste de travail sans autorisation et fumé dans un lieu non fumeur ». Effectivement, l’enregistrement vidéo montrait le salarié en train de fumer pendant près d’une heure dans un local de repos.
Pour annuler la mise à pied, la cour d’appel confortée par la Cour de Cassation relève d’abord que :
- cet enregistrement vidéo était la seule preuve fournie par l’employeur pour justifier de la sanction disciplinaire
- qu’il s’agissait d’un local de repos accessible au salarié pendant leur pause
- que la « caméra permettait de filmer l’ensemble de la pièce, distributeur de boissons et chaises incluses et pas uniquement les entrées et sorties de et vers l’extérieur »
- que ce « système de vidéo-surveillance avait été déclaré à la CNIL comme ayant une finalité de vidéo protection afin d’assurer la sécurité de son personnel et de ses biens », alors qu’il « permettait également de surveiller son personnel et contrôler les horaires de travail via leur temps de repos dans un local de repos sans information des salariés ».
Sans surprise, cet enregistrement vidéo a été jugée illicite et la preuve irrecevable.
2. Un chauffeur-livreur conteste son licenciement pour faute grave fondé sur des déplacements jugés injustifiés par l’employeur [4]..
De nouveau l’employeur fondait le licenciement sur des relevés de géolocalisation de véhicule déclaré à la CNIL dans le but d’assurer « la sécurité des biens et des personnes sur les sites », avec une information du salarié par courrier recommandé avec accusé de réception.
La Cour de Cassation donne droit au salarié et casse l’arrêt d’appel car, au-delà des déclarations faites par l’employeur, le fait qu’il utilise cette géolocalisation pour sanctionner le salarié justifiait que la déclaration faite à la CNIL d’une géolocalisation pour assurer la sécurité des biens à des personnes sur les sites avait été manifestement dévoyée.
La Cour de Cassation reprochait donc à la cour d’appel d’avoir statué sans rechercher si ce système de géolocalisation avait également pour finalité de déclarer à la CNIL « le contrôle de l’activité professionnelle des salariés et de la durée du travail et si le salarié avait été informé de l’utilisation de cette vidéo-surveillance à cette fin ».
3. Cette 3ᵉ et dernière décision écarte comme précédemment la preuve de la faute grave fondée sur une vidéosurveillance pour non-respect par l’employeur des conditions légales précitées [5].
Un agent technique chargé de relever les compteurs chez les particuliers est licencié pour faute grave fondée sur « la désinvolture du salarié » manifestée dans la manière avec laquelle il renseignait les causes de l’absence de relevé se contentant d’indiquer « relevé inaccessible sans plus de précision » alors que ses collèges précisaient l’endroit où se trouvait le compteur et la cause de l’absence des relevés.
Peu importe le bien fondé du motif invoqué, dès lors que l’employeur n’avait pas préalablement informé le salarié que « les données issues du terminal de saisies portatives destinées aux relevés des consommations d’énergie pour ERDF/GRD, permettaient également de contrôler et de surveiller l’activité des salariés et avaient été utilisées par l’employeur afin de collecter et d’exploiter des informations personnelles ».
Il s’agissait donc d’un traitement de données à caractère personnel avec obligation pour l’employeur de déclaration préalable auprès de la CNIL et d’information des salariés sur le but poursuivi par l’utilisation de ce dispositif.
La sanction est radicale : le moyen de preuve est jugé illicite et faute pour l’employeur d’établir devant la cour de renvoi le comportement désinvolte du salarié en dehors de cette seule pièce jugée illicite, le licenciement est considéré sans cause réelle ni sérieuse.
On voit ici tout l’intérêt et l’utilité pour les salariés de connaître vos droits et pour vous employeurs de respecter scrupuleusement les règles régissant les traitements de données à caractère personnel et à défaut de s’entourer d’autres moyens de preuves permettant en cas de rejet d’une preuve jugée illicite de faire confirmer le caractère réel et sérieux du licenciement engagé.