La discrimination syndicale est une priorité du législateur :
Dans un an à compter de la promulgation de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 modifiant le code du travail « le Gouvernement remettra au Parlement … un rapport sur l’état des discriminations syndicales en France réalisé sur la base des travaux du Défenseur des droits, qui fera état des bonnes pratiques observées dans les entreprises pour lutter contre ces discriminations » (chapitre 3 article 30 de la loi).
La liberté syndicale figure à la fois l’article 45 du préambule des 61« libertés et droit collectif » du nouveau Code du travail et à l’article L. 2141-1 du Code du travail.
L’employeur ne peut prendre aucune décision à l’égard du salarié au regard de son activité syndicale (article L 2141-5 du code du travail).
A défaut, le salarié pourra obtenir réparation de son préjudice intégral dont dommages et intérêts et reclassement au poste où il aurait dû être affecté en l’absence de discrimination syndicale.
La difficulté essentielle du salarié discriminé est d’établir qu’il est victime de discrimination car souvent il saisit le conseil de prud’hommes alors qu’il exerce ses fonctions, l’employeur devant de son côté justifier d’un motif objectif étranger à toute discrimination.
La discrimination syndicale prend différentes formes dans le milieu du travail :
- la stagnation de la carrière du salarié discriminé,
- la disparité salariale avec ses collègues,
- la prise en compte des fonctions syndicales dans l’évaluation professionnelle du salarié,
- sa mise à l’écart, sa stagnation de carrière
- les sanctions disciplinaires injustifiées.
I. La stagnation professionnelle du salarié discriminé
L’absence d’évolution de carrière du salarié syndiqué est fréquente en matière de discrimination syndicale.
En l’absence de raisons objectives, l’employeur devra réparer intégralement le préjudice causé en reclassant notamment le salarié au poste qu’il aurait dû obtenir en l’absence de discrimination :
- « Le salarié qui n’avait bénéficié d’aucune progression indiciaire depuis 1986, avait été victime d’une discrimination syndicale, ce dont il résultait qu’il était fondé à se voir reclasser dans le coefficient de rémunération qu’il aurait atteint en l’absence de discrimination » (Cass. soc. 02 juin 2016 n°14-28255).
- » La Cour d’Appel, qui a vérifié les conditions dans lesquelles la carrière du salarié s’était déroulée a … relevé que l’évolution de cette carrière révélait des disparités laissant supposer l’existence d’une discrimination par rapport aux salariés de l’entreprise se trouvant dans une situation comparable, et estimé, sans se substituer à l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction, que celui-ci n’apportait pas d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant ses décisions » (Cass. soc. 06 avril 2016 n°14-23938).
- « (alors) que l’avancement au choix s’effectuait, selon la convention collective applicable, dans l’ordre du tableau d’avancement,… en fonction des notes attribuées annuellement au personnel, (la cour a) constaté que les salariés titulaires de mandats représentatifs n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation pendant plusieurs années de sorte que leurs chances d’obtenir un avancement au choix étaient compromises » (Cass. soc. 23 mars 2016 n°14-23751).
II. La disparité salariale du salarié discriminé
Une grande partie des discriminations syndicales concernent les disparités salariales entre le salarié discriminé et ses collègues de travail.
Dès lors que la différence de salaire avérée découle des mandats syndicaux exercés par le salarié, le salarié discriminé peut à la fois solliciter des dommages et intérêts sur le terrain de l’inégalité de traitement et de la disparité salariale fondée sur l’engagement syndical.
Ainsi, la 6ème Chambre de la Cour d’Appel de Versailles (24 mai 2016 n°15/02146) a accordé à un Cuisinier Délégué du personnel des dommages et intérêts pour inégalité salariale et des dommages et intérêts distincts pour discrimination salariale compte tenu de la différence de salaire entre le salarié investi d’un mandat syndical et les autres salariés qui n’ont pas de mandat syndical, « cette demande ne fait pas double emploi avec la demande fondée sur l’inégalité de traitement puisque s’ajoute au critère d’appartenance au deux groupes de salarié comparés dans le cadre de l’inégalité salariale celui du critère syndical ».
III. La prise en compte des fonctions syndicales dans l’évaluation professionnelle du salarié
L’employeur ne doit pas évoquer les responsabilités syndicales du salarié notamment lors de son évaluation professionnelle, et ce peu important que le salarié ait lui-même évoqué dans son entretien d’évaluation son poste de travail situé au Comité d’entreprise depuis son élection au poste de secrétaire.
Même dans ce cas de figure, le notateur ne doit pas tenir compte des fonctions représentatives pour l’attribution des points de compétence du salarié. Le notateur avait relevé à tort dans l’entretien annuel qu’il « se trouvait dans l’impossibilité d’apprécier les fonctions de gestionnaire de compte (du salarié) du fait que ses fonctions de secrétaire du Comité d’entreprise l’occupe à plein temps » (Cour de Cassation Chambre sociale 25 mai 2016 n°15-12213).
IV. La mise à l’écart, la stagnation de carrière du salarié
Lorsque le salarié syndiqué n’évolue plus professionnellement sans raisons objectives de l’employeur la discrimination syndicale est établie.
L’employeur d’un Conducteur de car délégué du personnel faisant l’objet d’un déclassement, puis d’une promotion signée par avenant non appliquée puis d’un nouvel avenant le déclassant de nouveau est condamné pour discrimination syndicale (Cour d’Appel de Rouen 20 septembre 2016 n°15/01226).
La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence relève les évaluations positives du salarié « le créditant de bonnes aptitudes et de bonnes qualités d’exécution de son travail » avec paradoxalement « aucun autre avancement que celui résultant du mécanisme conventionnel ou de la nouvelle classification de 2004-2005 » (arrêt précité du 28 janvier 2016).
Un Conducteur Receveur-ouvrier est bien fondé à contester le refus réitéré de ses candidatures à différents postes internes de Contrôleur d’exploitation et formateur, refus non dicté selon la Cour par des critères objectifs et vérifiables non dictés par les responsabilités syndicales du salarié (Cour d’Appel de Metz Section 1 -13 janvier 2016 n°14/01057).
V. Les sanctions disciplinaires annulées du salarié discriminé
Débouté en appel de sa demande d’annulation des 3 avertissements et une mise à pied notifiés par l’employeur, une Opératrice, obtient gain de cause en cassation, la Cour considérant qu’il ne saurait être « déduit de la seule existence de sanction disciplinaire à l’égard d’un syndicaliste la réalité d’une discrimination syndicale… qu’aucun élément ne permet de supposer que ces sanctions étaient liées à l’activité syndicale de l’intéressé » (Chambre sociale arrêt du 21 janvier 2016 pourvoi n°14-26701).
Les éléments pris dans leur ensemble laissaient bien supposer l’existence d’une discrimination « la salariée avait perçu des primes individuelles bien inférieures à celles de ses collègues, elle avait été changée d’affectation en 2005, elle avait fait l’objet d’une mise à pied annulée par une décision de justice et de 3 avertissements contestés et avait subi un déficit de formation professionnelle ».
Et dans le même sens : Cour d’Appel de Paris Pôle 6 – Chambre 6 – 8 juin 2016 n°15/04840, Cour d’Appel de Douai 31 mai 2016 n°15/01639.
VI. D’autres manifestations de la discrimination syndicale relevées par les Juges
L’application de conditions particulières de travail au salarié discriminé :
Un Cariste qui « pendant plus de 4 années… n’a plus été affecté à un poste précis mais à de nombreuses tâches et travaux, y compris d’entretien puis affecté de façon durable à un poste correspondant à une qualification inférieure à la sienne. Ces éléments permettent de présumer d’une discrimination en raison de l’activité syndicale » (Cour d’Appel de Pau Chambre sociale 13 octobre 2016 n°14/02206)
L’absence d’entretien professionnel :
L’absence d’entretien professionnel d’une le salarié qui n’a pas bénéficié d’un entretien professionnel tous les deux ans tel que visé par l’accord national interprofessionnel dans la métallurgie auquel s’ajoute l’absence d’évolution de carrière (Cour de Cassation 12 janvier 2016 n°14-14868).
L’attitude agressive de l’employeur :
Le salarié victime d’une attitude agressive de sa hiérarchie, attitude agressive constatée par plusieurs salariés avec des conséquences justifiées sur la santé de la salariée hôtesse de caisse, l’employeur ne justifiant pas du problème relationnel inhérent à la personne de la salariée qu’il évoquait (Cour d’Appel de Paris Pôle 6 Chambre 3 arrêt du 15 novembre 2016 n°13/11554).
L’absence de formation :
Un Ingénieur consultant contestant sa situation d’inter-contrat pendant plusieurs mois concomitamment à son mandat syndical et l’absence de formation, engendrant une perte de compétence d’employabilité (Cour d’Appel de Paris Pôle 6 Chambre 9 -4 mai 2016 n°13/04883).