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La Perte de Chance en Droit du Travail en 2024 (Partie 2/3)

Précédemment nous avons analysé la perte de chance relative à la rémunération du salarié, stock-options, actions gratuites, primes d’intéressement et de participation et primes variables (en savoir plus : La perte de chance en droit du travail (Partie 1/3)).

Abordons maintenant la perte de chance du salarié lors de la procédure de licenciement, avec les irrégularités de procédure (1), puis l’ordre des licenciements (2), le plan de sauvegarde de l’emploi (3), et la portabilité (4).

1. Perte de chance et irrégularités de la procédure de licenciement.

Au commencement de la procédure disciplinaire, l’employeur convoque le salarié pour un entretien préalable en vue d’envisager son licenciement. Durant cet entretien, l’employeur doit informer le salarié des motifs pour lesquels il envisage son licenciement permettant à celui-ci d’y répondre.
Voici deux décisions sur la perte de chance du salarié non informé :

1er arrêt : Cour d’Appel de Montpellier, 11 mai 2022 RG n°19/02234.

Un salarié conteste son licenciement annoncé oralement sans qu’il ait bénéficié d’une convocation à un entretien préalable. La sanction de l’employeur était inéluctable :

« Cette carence de l’employeur a privé (la salariée) du droit d’être entendue préalablement à la prise de décision de l’employeur… et lui a fait perdre une chance de faire valoir ses arguments et d’infléchir la décision de la société ».

2ème arrêt : Cour d’Appel de Versailles 17 mars 2022 RG n°19/02383.

Un salarié contestait l’absence de la mention obligatoire dans la lettre de convocation à son entretien préalable de la possibilité de se faire assister lors de cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, à défaut d’institution représentative du personnel, également par un conseiller du salarié, article L1232-4 du Code du travail https://www.legifrance.gouv.fr/code…

Cette irrégularité de procédure n’était pas contestée par l’employeur et la Cour retient que : « le salarié qui n’était pas pleinement informé des modalités d’assistance auxquelles il avait droit, justifie d’un préjudice lequel sera évalué au regard des circonstances rappelées à la somme de 2 000 € ».

 

2. Perte de chance et ordre des licenciements : Cour d’appel de Versailles 27 octobre 2022 RG n°20/02124.

Une salariée exerçant une activité d’intervenante consultante ergonome fait l’objet d’un licenciement pour motif économique qu’elle conteste reprochant à l’employeur de ne pas avoir respecté de manière loyale le critère d’ordre des licenciements.

Rappelons qu’aux termes de l’article L1233-5 du Code du travail dans le cadre d’un licenciement collectif pour motif économique l’employeur est tenu de respecter des critères pour fixer l’ordre des licenciements.

Dans cette décision il est reproché à l’employeur de ne pas avoir appliqué à l’égard de la salariée de manière loyale ces critères d’ordre :

« La distinction opérée par l’employeur ne repose pas sur des éléments objectifs, pertinents.. Il s’ensuit que par cette manœuvre la société X s’est abstenue de mettre en œuvre les règles régissant l’ordre des licenciements, dont l’application aurait pu permettre à la salariée de ne pas être désignée parmi les deux intervenants à licencier et de conserver ainsi son emploi…. La salariée est bien fondée à solliciter une indemnisation au titre de la perte de chance de conserver son emploi… La mauvaise foi dont a fait preuve l’employeur… milite en faveur d’une volonté dissimulée de l’employeur d’extraire Madame Y de l’examen comparé de la situation de cette dernière avec celles de Mesdames W et Z.

Au jour de la rupture Madame Y âgée de 33 ans bénéficiait d’une ancienneté de 5 années au sein de la société X qui employait moins de 11 salariés… ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle elle a pu bénéficier pendant 12 mois de l’allocation de sécurisation professionnelle… le préjudice subi par la salariée sera réparé par l’allocation de la somme de 18 000 € ».

 

3. Perte de chance et plan de sauvegarde de l’emploi : Cour d’Appel d’Amiens 13 octobre 2022 RG n°21/03888.

Lors de la rupture du contrat de travail, le salarié a droit au maintien de la mutuelle d’entreprise pendant un an après cette rupture (cf article L911-8 du code de la sécurité sociale).

Le salarié doit en faire la demande expresse auprès de l’organisme de prévoyance dans les 6 mois qui suivent la rupture du contrat de travail, l’information donnée par l’employeur étant donc essentielle pour lui permettre de faire valoir ses droits.

Dans cet arrêt, comme le rappelle la Cour :

« L’employeur n’avait pas proposé à la salariée le bénéfice d’une mutuelle… peu importe qu’il ait été dans l’ignorance du divorce de la salariée, ce qui semble toutefois improbable au regard d’une part des échanges des messages en utilisant le tutoiement, ce qui suppose une proximité et d’autre part du courrier adressé par l’employeur (à la mutuelle) pour l’informer de la nouvelle adresse (de la salarié) et de son changement de nom d’usage, conséquence du divorce.
L’absence de prévoyance souscrite auprès de l’employeur a fait perdre une chance à la salariée de bénéficier de la portabilité ».

 

4. Perte de chance et plan de sauvegarde de l’emploi : Cour d’appel de Versailles 13 octobre 2022 RG 20/01970.

L’entreprise d’une salariée déléguée médical pharmacie met en place un plan de sauvegarde de l’emploi avec modification des secteurs d’interventions de la salariée considérée par l’employeur comme un simple changement de ses conditions de travail, et parallèlement ouvre une période de volontariat à la mobilité.

La salariée refuse la modification de ses secteurs d’interventions considérant qu’il s’agit d’une modification essentielle de son contrat de travail nécessitant son accord express.

Elle informe dans le même temps son employeur de sa décision de quitter la société dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi. Sa demande de départ volontaire est rejetée, la salariée et en arrêt de travail durant plusieurs mois puis fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude.

Elle saisit la juridiction prud’homale pour contester à la fois la modification de son contrat de travail les conséquences de son départ de l’entreprise sans bénéficier du plan de sauvegarde de l’emploi. Elle évoque une perte de chance de percevoir les indemnités extra-légales prévues par le plan de départ.

La Cour abonde en son sens et considère que :

« non seulement sa candidature au plan de départ a été prématurément et illégitimement écartée par l’employeur mais également que la modification de son secteur est intervenue sans qu’il soit justifié que celui-ci répondait… à un simple changement de ses conditions de travail et non à une modification de son contrat de travail qui aurait permis à la salariée dans l’hypothèse où elle aurait maintenu son refus de cette modification de faire l’objet le cas échéant par l’employeur d’un licenciement pour motif économique.

En l’état des éléments qui précèdent, il est établi la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable de percevoir ses indemnités extra-légales par la faute de l’employeur… Cette perte de chance justifie une indemnisation à hauteur de la somme globale de 45 000 €.

En savoir plus sur la modification du contrat de travail : La modification du contrat de travail du salarié en 2021.

Vous connaissez maintenant la perte de chance relative à la rémunération du salarié et à l’occasion du licenciement disciplinaire et pour motif économique.

Dans un dernier article, nous examinerons d’autres domaines de la perte de chance tels que la perte de chance et les droits à la retraite, la formation professionnelle, la faute de l’employeur en matière de santé, la perte d’employabilité et l’évolution de carrière, pour finir par le handicap et le statut de journaliste.

La perte de chance en droit du travail en 2024 :
Partie 1 à lire ici.
Partie 3 à lire prochainement.

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