Comment Prouver Vos Heures Supplementaires Avocat Paris

Comment prouver vos heures supplémentaires en 2023 ?

Très grand sujet de revendication des salariés, la rémunération de leur temps de travail n’en finit pas d’alimenter le contentieux jusqu’à la Cour de Cassation.
En 2023, la question de la preuve des heures supplémentaires donne lieu à un contentieux extrêmement dense.
En voici quelques exemples pour vous aider à comprendre comment prouver vos heures supplémentaires face aux Juges.

Cet article fait suite au précédent sur le même thème : « Obtenir le paiement de ses heures supplémentaires : mode d’emploi. ».

1. Le principe de la preuve : une preuve reposant sur le salarié et sur l’employeur.

Très, trop souvent les employeurs tentent de se décharger de leur responsabilité en critiquant les preuves fournies par le salarié.

Or, le Code du travail est très clair [1] :

1ère règle : Lorsque le salarié revendique un nombre d’heures supplémentaires non payées, il doit présenter des éléments suffisamment précis sur ses heures supplémentaires non payées pour permettre à l’employeur d’y répondre par ses propres pièces.
2ème règle : L’employeur a l’obligation de contrôler les heures de travail effectuées par le salarié.
3ème règle : Les Juges évaluent souverainement ces heures supplémentaires à l’appui des éléments présentés par le salarié et l’employeur.

2. Le contrôle de la Cour de Cassation : les arrêts cassés qui ne respectent pas les 3 règles énoncées.

1/ Un chargé d’affaires produit à l’appui de sa demande d’heures supplémentaires :

Un décompte d’heures effectuées sur 2 ans ;
Des attestations d’anciens collègues témoignant de ses heures d’arrivée le matin et de départ le soir ;
Des courriers d’alertes à la hiérarchie sur sa surcharge de travail.
Sa demande est néanmoins rejetée par la Cour d’Appel considérant :

« Que le décompte produit est imprécis et insuffisamment probant puisqu’il ne mentionne ni les heures d’arrivée ni celles de départ du salarié, se contentant d’ajouter forfaitairement des heures supplémentaires par jour ;
Qu’en outre il est incohérent et en contradiction avec les attestations produites ;
Que les e-mails matinaux et tardifs du salarié n’ont pas été adressés à partir de son bureau ;
Et qu’enfin, c’est le salarié lui-même qui a saisi en les minorant ses heures de travail dans l’outil informatique dédié à cet usage, ce dont il ne peut ensuite venir se plaindre ».

L’arrêt est cassé, la Cour de Cassation considère que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre et que l’employeur ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail.
En d’autres termes, les Juges d’appel ont fait peser la charge de la preuve uniquement sur le salarié [2].

2/ C’est un chauffeur routier super poids lourd qui invoque des heures supplémentaires et un travail dissimulé en produisant un rapport d’examen récapitulant pour chaque mois à partir des données extraites de sa carte de conducteur le nombre d’heures de travail « normales » et « majorées ».

La Cour rejette sa demande considérant que son décompte ne détaille ni les jours ni les horaires travaillés et serait donc insuffisamment précis.
L’arrêt est cassé car la Cour d’Appel « a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié » [3].

3/ Un Directeur des ventes à la retraite réclame ses heures supplémentaires en versant un décompte du nombre d’heures effectuées jour par jour, un état de frais.

La Cour d’Appel rejette sa demande considérant :

« Qu’il n’apporte aucun élément de nature à expliquer le mode de calcul effectué ;
Que son décompte « présente de nombreuses anomalies », qu’il ne donne pas » d’indication de lecture des tableaux produits,
Que ses pièces imprécises et incohérentes contenant pour parti des éléments erronés sont insuffisamment précises et ne permettent pas à l’employeur d’y répondre ».

L’arrêt est cassé, la Cour de Cassation considérant que :

« le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre, celui-ci ne produisant aucun élément de contrôle de la durée du travail, la Cour d’Appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié » [4].

4/ Un responsable de compte clé est débouté de sa demande d’heures supplémentaires car :

dans son décompte, il n’indiquerait pas « pour chaque journée en cause les horaires de début et de fin de travail,
il n’apporterait pas d’éléments suffisamment précis sur ses heures non rémunérées,
et il n’alléguerait pas que les heures supplémentaires seraient nécessaires pour l’accomplissement des tâches confiées ».
L’arrêt est cassé, le salarié présentant pour la Cour de Cassation des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre et celui-ci ne produisant aucun élément de contrôle de la durée du travail, les Juges ont fait peser la charge de la preuve sur le salarié en violation du Code du travail  [5].

5/ Les heures supplémentaires d’un chargé de clientèle ne lui sont pas accordées :

son tableau récapitulant chaque semaine le nombre d’heures supplémentaires effectuées ne serait pas « sérieux » ;
et les feuilles de présences produites signées uniquement par le salarié ne permettant pas d’établir un décompte sincère les heures supplémentaires ;
les deux pièces ainsi produites par le salarié ne seraient pas « fiables ».
Sans surprise, la Cour constate que la Cour a fait peser la charge de la preuve uniquement sur le salarié en violation du Code du travail [6].

6/ Un Directeur Technique n’obtient pas plus le règlement de ses heures supplémentaires car selon la Cour les éléments qu’il produit seraient insuffisamment précis, à savoir :

des courriels adressés à l’employeur ;
des témoignages d’anciens collègues ou de client ;
des photographies justifiant une prise de poids qu’il impute à sa charge de travail.
Vous connaissez la suite : l’arrêt est cassé car la Cour d’Appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié alors que celui-ci présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre [7].

7/ Une employée de maison produit un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires sans indiquer, selon la Cour d’Appel, pour chaque journée les horaires de travail, sa demande serait donc insuffisamment précise par rapport aux horaires revendiqués pour permettre à l’employeur d’y répondre.

L’arrêt est cassé, la charge de la preuve ayant uniquement été mise sur les épaules de la salariée en violation du code du travail [8].

8/ Un agent d’exploitation communique à l’appui sa demande d’heures supplémentaires des tableaux et des fiches journalières « faisant apparaître un nombre d’heures travaillées supérieures au nombre d’heures payées ».

Mais, pour la Cour, ce décompte ne couvrait pas la totalité de la période concernée par la demande :
« -* les pièces versées contenant des incohérences ;

des attestations de collègue alléguant que celui-ci était connu pour « gonfler ses heures » ;
et l’employeur produisant un planning précis des horaires effectués par l’intéressé ».
La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel, les éléments apportés par le salarié étant jugé insuffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre et la charge de la preuve reposant uniquement sur le salarié en violation du Code du travail [9].

9/ Un distributeur de prospectus verse au débat :

  • son contrat de travail
  • ses bulletins de salaire
  • feuilles de route
  • exemples de rapports d’activité
  • mises en demeure de lui payer un rappel de salaire
  • un tableau récapitulatif des heures complémentaires

Cela n’est toujours pas suffisant pour la Cour d’Appel qui considère que le tableau ne précise pas les horaires effectués chaque jour de la semaine ou chaque semaine.
La charge de la preuve a encore une fois été mise uniquement sur les épaules du salarié et l’arrêt est cassé pour violation du Code du travail [10].

 

La liste est encore très longue… Cassation sociale arrêts des 13 septembre 2023 n°21-23177, 27 septembre 2023 n°22-17137, 4 octobre 2023 n°22-21147 etc. etc.
Comme vous l’aurez compris, certains Juges d’Appel résistent en vain au système de preuves clairement établi par l’article L3171-4 du Code du travail et par la jurisprudence lapidaire de la Cour de Cassation.
Encore, faut-il du courage, de la patience, du sang-froid, et des réserves financières pour permettre au salarié d’exercer son recours jusqu’en Cour de Cassation.
Alors, armez-vous de patience si vous tombez sur des Juges d’Appel réfractaires au système de preuve et persévérez, car la jurisprudence de la Cour de Cassation est constante et radicale.
Salariés, osez poursuivre jusqu’au bout votre procédure, ne baissez pas les bras, tel est le but de cet article.

 

Notes de l’article:

[1] Article L3171-4 du code du travail.
[2] Cassation soc. 21 juin 2023 n°21-21039
[3] Cassation sociale 5 juillet 2023 n°21-16809
[4] Cassation Sociale 5 juillet 2023 n°21-25747
[5] Cassation sociale 5 juillet 2023 n°22-13055
[6] Cassation sociale 5 juillet 2023 n°22-11041
[7] Cassation sociale 13 septembre 2023 n°22-12398
[8] Cassation sociale 13 septembre 2023 n°22-10613
[9] Cassation sociale 13 septembre 2023 n°22-14499
[10] Cassation sociale 13 septembre 2023 n°21-23445

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